Réponses aux questions des parlementaires + CSST

La dynamique argumentaire

Le présent document est unique.
En effet – avant ce regroupement – les réponses du Ministère de la Santé aux questions des parlementaires étaient dispersées sur les sites en ligne du Sénat et de l’assemblée nationale sur plusieurs années.
Cet ensemble permet de voir vraiment ce qui se passe et ce qui est dit !!!

Le travail se fait de la manière suivante :
– le parlementaire, avec l’aide de ses collaborateurs, réunit une première documentation (éventuellement en prenant appui sur notre travail)
– le parlementaire pose sa question orale ou écrite – voir liste
– le Ministère de la santé répond avec plus ou moins de délais
– nous réunissons les réponses avec le compte rendu du CSST dans le présent document
– nous réagissons aux réponses du ministère de deux manières :
1. Par une réponse globale : Un art du mensonge
2. Dans les réponses du ministère ci-après, nous mettons en gras et en italique les affirmations que nous qualifions, selon le cas, d’ignorance, de mensonge, de discours ubuesque, kafkaïen ou de réponse scandaleuse.

Des questions trop soft ?

La vraie question est : « Quand le Ministère de la santé va-t-il cessé de laisser crever, amputer ou invalider des milliers de gens alors que la phagothérapie efficace, sans effets secondaires et peu chère est à portée de main ?« 
Les questions des élus sont beaucoup plus soft – est-ce bien raisonnable ?
On note que les questions des élus de gauche sont un peu plus incisives que celles de leurs collègues.
Sénat
#1 Sénateur  Yannick Vaugrenard  : 1. En novembre 2018, le Gouvernement a annoncé le lancement d’un programme prioritaire de recherche de 40 millions d’euros pour lutter contre la résistance aux antibiotiques
2. préciser le carnet de route du CSST, qui devrait inclure la possibilité de développer la culture locale des phages et permettre à chaque Français, quels que soient ses moyens, de pouvoir utiliser cette thérapie.
#2 Sénatrice Brigitte Micouleau : dans quelle mesure les trente-deux centres hospitalo-universitaires (CHU) de France pourront participer activement à la formation des médecins en phagothérapie … reconsidérer la phagothérapie comme traitement efficace des infections par des BMR.
#3 Sénateur  Patrice Joly : la place que pourrait occuper la phagothérapie dans cette feuille de route gouvernementale comme thérapie alternative aux antibiotiques, ainsi que sur les moyens qui y seraient alloués.
#4 Sénatrice Maryvonne Blondin  : quelle poursuite des travaux du comité scientifique temporaire « phagothérapie » créé le 13 janvier 2016 et sur la place de la phagothérapie dans la politique de maîtrise de l’antibiorésistance. 
Assemblée nationale
#5 M. Hervé Féron : Quels projets de recherche sur la phagothérapie ?
#6 M. Olivier Falorni : Quelles mesures elle entend appliquer pour que les Français ne soient plus obligés d’aller en Géorgie, etc. pour se faire soigner / sauver ?
#7 Mme Véronique Louwagie : Sachant que le Centre d’analyse stratégique propose de « développer notre arsenal thérapeutique en clarifiant le statut réglementaire de la phagothérapie et en mettant en place un programme de recherche afin d’évaluer son potentiel thérapeutique » quand allez vous mettre en place ces deux actions ?
#8 M. Yannick Haury : Intentions pour promouvoir la recherche ?
#9 M. Jean-Michel Mis : l’absence d’un cadre juridique adéquat est un obstacle réel au développement de la phagothérapie

Des questions qui correspondent aux réponses

En langage savant on dit que les questions des parlementaires sont dans le même paradigme que les réponses du Ministère.
Le paradigme du Ministère est surréaliste : il prétend résoudre le problème en produisant quelques rares phages standards au niveau national.
L’écologie des phages nécessite une culture des phages spécifique au niveau local – lire en particulier Grégory Resch, expert helvétique des phages.
Le Ministère dit : il faut faire de la recherche.
Le paradigme des phages dit : on sait parfaitement soigner les patients avec des phages.

Les réponses du Ministère de la santé

Au sénat

*1 Question orale du sénateur Yannick Vaugrenard
Réponse de Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, dans un contexte où la résistance des bactéries aux antibiotiques est un problème aigu et représente une menace croissante mondiale de santé publique, la phagothérapie peut être une solution à des situations d’impasse thérapeutique lorsque le traitement n’est pas urgent.
Toutefois, il n’existe pas, actuellement, d’autorisation de mise sur le marché pour des bactériophages, notamment par manque de données cliniques.
Depuis 2016, près d’une quinzaine de patients en France ont bénéficié d’administration compassionnelle de bactériophages par les pharmacies à usage interne des établissements de santé. Ces utilisations ont été rendues possibles grâce à l’accompagnement personnalisé de l’ANSM pour chacun de ces cas.
En ce qui concerne la recherche clinique, une équipe française de l’hôpital Percy, avec le financement de la Commission européenne, est la première au monde à avoir évalué l’efficacité de bactériophages. Toutefois, les données sur l’efficacité des bactériophages restent à produire et il apparaît nécessaire d’organiser et de sécuriser le circuit de recherche et de production de cette stratégie thérapeutique.
En 2016, l’ANSM a mis en place un comité scientifique spécialisé temporaire « phagothérapie ». Parallèlement, plusieurs bactériophages ont été mis à disposition à titre compassionnel.
Par ailleurs, après l’essai clinique Phagoburn, deux programmes hospitaliers de recherche clinique avec essais cliniques multicentriques vont être réalisés en France prochainement. Ils seront très utiles pour apporter des éléments probants d’efficacité de la phagothérapie, basés sur des études à haut niveau de preuve, qui manquent à ce jour.
Le programme prioritaire de recherche sur l’antibiorésistance, annoncé à la fin de 2018, permettra également de financer des études de recherche sur le sujet.
Enfin, de nouvelles préparations de bactériophages anti-pseudomonas et anti-staphylococcus devraient être mises à disposition par le biais d’autorisations temporaires d’utilisation nominatives, ou ATU, également courant 2019.
L’ANSM a jugé nécessaire de mettre en place un nouveau CSST pour échanger sur l’expérience clinique des équipes hospitalières ayant pratiqué l’usage de phages en traitement compassionnel depuis 2016 et pour évoquer les perspectives d’essais cliniques et d’ATU.
Il apparaît d’ores et déjà essentiel de mettre en place un réseau de recherche et d’expertise ainsi que de production répondant aux bonnes pratiques de fabrication afin de permettre une collaboration européenne et internationale sur ce défi de santé.
Dans l’attente des conclusions définitives du CSST, qui s’est déroulé le 21 mars 2019, je peux vous assurer que la France continuera de se montrer porteuse dans la recherche de pointe au bénéfice des patients tout en garantissant leur sécurité.

*2 Question orale de Mme Maryvonne Blondin, sénatrice
Réponse de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la sénatrice, comme vous l’indiquez, l’utilisation de phages pour venir à bout d’infections bactériennes, en particulier à bactéries multirésistantes, est régulièrement évoquée.
Depuis plusieurs décennies, certaines infections bactériennes pulmonaires, cutanées, digestives sont traitées par les bactériophages en Géorgie, en Pologne et en Russie. En Europe, les bactériophages n’ont pour l’instant pas de statut spécifique, même si la définition du médicament est susceptible de leur être appliquée.
En France, depuis 2013, l’essai clinique européen Phagoburn est en cours à l’hôpital d’instruction des armées Percy, à Clamart, avec pour objectif d’apporter des preuves sur l’efficacité de la phagothérapie. Cette étude est conduite en coopération avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, l’Institut suisse des produits thérapeutiques, Swissmedic, l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé belge, et l’Agence européenne des médicaments.
À ce stade, il n’existe pas de recommandations européennes sur le développement des bactériophages.
Néanmoins, l’ANSM, par décision du 13 janvier 2016, a créé le comité scientifique temporaire Phagothérapie, dont vous avez parlé. Ce comité est chargé de donner un avis quant aux situations cliniques pouvant justifier un accès précoce aux bactériophages et aux prérequis nécessaires pour une mise à disposition précoce dans le cadre d’autorisations temporaires d’utilisation, les ATU, ou d’essais cliniques. Ce comité s’est réuni à plusieurs reprises au cours de l’année 2016.
Un consensus s’est dégagé sur trois critères justifiant une situation de besoin, applicables à tout type d’infections pour un accès précoce aux bactériophages, à savoir un pronostic vital engagé ou un pronostic fonctionnel menacé, une impasse thérapeutique et, enfin, une infection monomicrobienne.
Vous le voyez, madame la sénatrice, les phages sont aujourd’hui l’une des approches thérapeutiques innovantes. Des essais sont en cours, des recommandations ont été émises par le comité scientifique temporaire. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que d’autres approches thérapeutiques innovantes, reposant sur des biotechnologies souvent françaises, sont également prometteuses.

A l’Assemblée nationale

+1 Question écrite le 25 février 2019 de M. Jean-Michel Mis, député de la Loire, Groupe La République en marche
Réponse du Ministère
L’antibiorésistance est l’une des préoccupations prioritaires de la ministre des solidarités et de la santé qui a nommé début janvier 2019, Mme le Professeur Céline Pulcini comme cheffe du projet national Antibiorésistance.
Elle est chargée, sous l’autorité du directeur général de la santé, du pilotage opérationnel de la feuille de route interministérielle pour la maîtrise de l’antibiorésistance en santé humaine.
Cette feuille de route comprend cinq axes dont un axe « Recherche et innovation en matière de maîtrise de l’antibiorésistance » dont l’objectif est notamment la structuration et la coordination des efforts de recherche, de développement et d’innovation sur l’antibiorésistance et ses conséquences ; la mise en œuvre d’une politique proactive de partenariats public-privé et d’accompagnement de l’innovation ; la valorisation et préservation des produits contribuant à la maîtrise de l’antibiorésistance.
Lorsque le traitement n’est pas urgent, la phagothérapie peut constituer une réponse à des situations d’impasses thérapeutiques compte tenu de la multi résistance bactérienne et de l’absence de développement de nouveaux antibiotiques par l’industrie pharmaceutique. Cette thématique a fait l’objet de plusieurs réunions sur le sujet au ministère de la santé, associant le seul industriel français travaillant dans ce domaine.
Un premier Comité Scientifique Spécialisé Temporaire (CSST) « Phagothérapie » avait déjà été réuni à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en mars 2016, un deuxième comité a eu lieu le 21 mars 2019. Le compte-rendu sera bientôt publié par l’ANSM. Dans le contexte préoccupant de l’antibiorésistance, ces comités ont permis de faire un retour d’expérience sur les administrations des bactériophages dans un usage compassionnel et de définir un cadre de mise à disposition précoce des bactériophages pour ces utilisations.
Il n’existe pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour des bactériophages, notamment par manque de données cliniques. Depuis 2016, près d’une quinzaine de patients en France ont bénéficié d’administration compassionnelle de bactériophages « sous forme de matières premières à usage pharmaceutique pour préparations magistrales », par les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé.
Ces utilisations ont été rendues possibles grâce à l’accompagnement personnalisé de l’ANSM pour chacun de ces cas.
L’essai Phagoburn, a été réalisé dans un contexte très particulier que sont les services de grands brulés. Les résultats n’ont pas permis de démontrer une efficacité suffisante du protocole de phagothérapie utilisé dans cette étude.
Deux Programmes Hospitaliers de Recherche Clinique (PHRC) essais cliniques multicentriques vont être réalisés en France prochainement. Ils seront très utiles pour apporter des éléments probants, basés sur des études à haut niveau de preuve, d’efficacité de la phagothérapie, données qui manquent à ce jour. De nouvelles préparations de bactériophages anti-Pseudomonas et anti-Staphylococcus devraient être mises à disposition par le biais d’Autorisations temporaires d’utilisation nominatives également courant 2019.

+2 La question en 2014 de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen – Meurthe-et-Moselle )
Réponse du Ministère de la Santé
Le contexte épidémiologique actuel préoccupant des situations de multi-résistance et de pénurie de nouveaux antibiotiques est aujourd’hui identifié au niveau international et européen comme une préoccupation majeure en termes de santé publique. Depuis plusieurs décennies, certaines infections bactériennes (pulmonaires, cutanées, digestives) seraient traitées par les bactériophages (phagothérapie) en Géorgie, en Pologne et en Russie. En Europe, les bactériophages n’ont pour l’instant pas de statut spécifique, même si la définition du médicament est susceptible de leur être appliquée (l’agence européenne des médicaments (EMEA) a estimé en 2004 que le bactériophage était un médicament). Des études sur des modèles animaux mimant des infections pulmonaires sont publiées, et l’utilisation possible des bactériophages en thérapeutique humaine a fait l’objet de revues de la littérature. Si, en raison de leurs indications, les phages paraissent relever du statut de médicament, la démonstration de leur sécurité d’emploi reste d’approche complexe : il s’agit en effet de traitements à visée essentiellement individuelle pour lesquels des garanties doivent être apportées sur les aspects de production, de finalité, de données précliniques toxicologiques, avant le développement d’essais cliniques. De plus, la préparation de cocktails stables de phages prêts à l’emploi est difficile, et de nombreux gènes des phages ont un rôle encore inconnu, avec des conséquences pour les patients difficiles à appréhender. L’expérience sur les phages acquise depuis plusieurs années dans certains pays (Europe de l’Est) ne peut à elle-seule constituer, sur ce principe d’ancienneté, un niveau d’efficacité et de sécurité suffisant répondant aux standards d’évaluation en vigueur. En France, des études sont effectivement en cours ou en voie d’initiation, en particulier sur l’intérêt des bactériophages contre les infections bactériennes résistantes aux antibiotiques, notamment pour les infections de la peau. Dans le cadre de ses missions, l’agence nationale de sécurité du médicament et de produits de santé (ANSM) a reçu des demandes d’industriels sur les bactériophages, visant notamment à discuter le statut du produit et le programme préclinique toxicologique à réaliser pour pouvoir conduire un essai clinique en France. L’approche de la phagothérapie ne peut pas par ailleurs être uniquement nationale ; elle doit s’inscrire dans des réflexions impliquant l’échelon communautaire. La ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a annoncé lors de la journée européenne de mobilisation du 14 novembre 2014 la création d’un groupe de travail spécifique qui étudiera toutes les innovations utiles pour la lutte contre le phénomène de l’antibiorésistance.

+3 Question en 2014 de M. Olivier Falorni (Radical, républicain, démocrate et progressiste – Charente-Maritime )
Réponse du Ministère de la santé
Le plan national d’alerte sur les antibiotiques 2011-2016, qui s’inscrit dans un contexte de préoccupations croissantes sur l’antibiorésistance et de raréfaction de l’arrivée de nouveaux antibiotiques, prévoit, parmi ses actions, la recherche de pistes alternatives à l’antibiothérapie. Le groupe de travail piloté par Jean Carlet missionné par la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a repris cette orientation dans les conclusions qui viennent d’être diffusées publiques sur la définition d’un nouveau plan de lutte contre l’antibiorésistance. La phagothérapie repose sur le principe de l’usage de bactériophages, virus spécifiques qui infectent les bactéries. Après avoir été découverts dans les années 30, puis abandonnés du fait de l’apparition des antibiotiques, ils sont à nouveau régulièrement évoqués avec l’émergence de bactéries multi-résistantes et seraient utilisés dans certains pays de l’Europe de l’Est, avec peu de connaissances sur leurs possibles effets secondaires. Si en raison de leurs indications, les phages relèvent du statut de médicament, la démonstration de leur sécurité d’emploi reste d’approche complexe : il s’agit en effet de traitements à visée essentiellement individuelle pour lesquels des garanties doivent être apportées sur les aspects de production, de finalité, de données précliniques toxicologiques, avant le développement d’essais cliniques. La préparation de cocktails stables de phages prêts à l’emploi est difficile, et de nombreux gènes des phages ont un rôle encore inconnu, avec des conséquences pour les patients difficiles à appréhender. L’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) suit avec intérêt l’évolution des connaissances sur la phagothérapie et les orientations de la recherche sur les bactériophages, en lien avec les instances européennes également préoccupées par l’apparition d’impasses thérapeutiques.

+4 Question de Mme Véronique Louwagie
Réponse du Ministère de la santé
Le plan national d’alerte sur les antibiotiques 2011-2016, qui s’inscrit dans un contexte de préoccupations croissantes sur l’antibiorésistance et de raréfaction de l’arrivée de nouveaux antibiotiques, prévoit, parmi ses actions, la recherche de pistes alternatives à l’antibiothérapie. Le groupe de travail piloté par Jean Carlet missionné par la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a repris cette orientation dans les conclusions qui viennent d’être diffusées publiques sur la définition d’un nouveau plan de lutte contre l’antibiorésistance. La phagothérapie repose sur le principe de l’usage de bactériophages, virus spécifiques qui infectent les bactéries. Après avoir été découverts dans les années 30, puis abandonnés du fait de l’apparition des antibiotiques, ils sont à nouveau régulièrement évoqués avec l’émergence de bactéries multi-résistantes et seraient utilisés dans certains pays de l’Europe de l’Est, avec peu de connaissances sur leurs possibles effets secondaires. Si en raison de leurs indications, les phages relèvent du statut de médicament, la démonstration de leur sécurité d’emploi reste d’approche complexe : il s’agit en effet de traitements à visée essentiellement individuelle pour lesquels des garanties doivent être apportées sur les aspects de production, de finalité, de données précliniques toxicologiques, avant le développement d’essais cliniques. La préparation de cocktails stables de phages prêts à l’emploi est difficile, et de nombreux gènes des phages ont un rôle encore inconnu, avec des conséquences pour les patients difficiles à appréhender. L’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) suit avec intérêt l’évolution des connaissances sur la phagothérapie et les orientations de la recherche sur les bactériophages, en lien avec les instances européennes également préoccupées par l’apparition d’impasses thérapeutiques.

Le rapport du CSST 2016

Numero unique de document : CSST201611013 Date document : 08 / 08 / 2016
Direction : INFHEP
Pôle : Maladies infectieuses

COMITE SCIENTIFIQUE SPECIALISE TEMPORAIRE Phagothérapie

Jeudi 24 mars 2016 de 9h30 à 17h00, en salle A011

Références documentaires
Document de synthèse avec références bibliographiques

Nota : Il n’y a en fait aucune référence bibliographique !!!

CONTEXTE

La phagothérapie est l’usage de bactériophages (ou phages), virus qui possèdent la particularité de n’infecter que des bactéries.
Les phages relèvent de la réglementation applicable aux médicaments.
Il n’existe pas actuellement d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en France pour des bactériophages.

Le plan national antibiotique, coordonné par la Direction Générale de la Santé et pour lequel l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est partenaire, comporte parmi ses actions celle d’identifier et d’évaluer des pistes alternatives à l’antibiothérapie compte tenu de la problématique majeure de résistance bactérienne et de la raréfaction de l’arrivée de nouveaux antibiotiques sur le marché.

Au regard des enjeux de santé publique, la phagothérapie étant présentée comme pouvant constituer une des réponses à des situations d’impasses thérapeutiques antibiotiques, compte tenu des interrogations croissantes sur cette thérapie émanant de la communauté scientifique et de patients, l’ANSM souhaite élaborer une position quant aux situations cliniques pouvant justifier d’un accès précoce aux bactériophages et déterminer des prérequis nécessaires pour une mise à disposition dans le cadre d’autorisations temporaires d’utilisation (ATU) ou d’essais cliniques.

Pour ce faire, il a été jugé nécessaire de créer un comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) dédié à la phagothérapie pour répondre à cet enjeu.

Le CSST est de composition multidisciplinaire et est constitué d’experts spécialisés dans le domaine de l’infectiologie : microbiologistes, pharmacologue, cliniciens infectiologues/internistes, réanimateurs.
Ce comité scientifique va s’appuyer sur des apports d’expertises et des auditions d’experts, de Sociétés Savantes et d’Associations afin de permettre une cohérence d’approche sur cette problématique.

L’ANSM a prévu plusieurs réunions de ce CSST, la séance du 24 mars 2016 étant la première.

Concernant les membres du CSST, il faut noter que :

  •   Monsieur Michel Dupon, Hôpital Pellegrin, Bordeaux, Service des maladies infectieuses, investigateur principal d’un essai académique (PHRC 2015) sur la phagothérapie mené dans des infections ostéoarticulaires (essai clinique « Phagos » non débuté), a été nommé membre du CSST compte tenu de cette expertise.
  •   Monsieur Daniel De Vos, Hôpital militaire Reine Astrid, Bruxelles, Belgique, microbiologiste, membre du CSST, qui ne pouvait pas être présent à la séance du 24 mars 2016, a été entendu par l’ANSM le 23 mars 2016. Un certain nombre d’auditions d’experts a été effectué. Ces experts ont été auditionnés compte tenu de l’apport scientifique majeur de leur expertise, de l’existence de lien intellectuel ou de l’absence d’expert de compétence équivalente et qui n’ait pas de conflits d’intérêts.
  •   Au cours de la séance du 24 mars 2016, les experts suivants ont été auditionnés : oMonsieur Olivier Patey, Centre Hospitalier Intercommunal de Villeneuve Saint-Georges CH Lucie et Raymond Aubrac, Service des maladies infectieuses et tropicales, qui par le biais de son hôpital, contribue au consortium du projet « PHOSA ». Ce consortium du projet « PHOSA vise à la mise au point d’un cocktail de bactériophages contre des infections ostéoarticulaires (essai clinique « Phagos ») et des ulcères du pied chez le patient diabétique (essai clinique « Phagopied »), dus à des staphylocoques. Ce projet « PHOSA » est porté par la Société Pherecydes Pharma, des entreprises et des centres de recherches publics. oMonsieur Patrick Jault, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, Clamart, Service d’anesthésie, est investigateur principal de l’essai clinique en cours « Phagoburn » dont l’objet est d’évaluer des phages dans des infections chez des patients brûlés, le promoteur de cet essai étant la Société Pherecydes Pharma. oMonsieur Pascal Chavanet, Hôpital du Bocage, Dijon, Département d’infectiologie, ayant une expertise d’intérêt majeur en infectiologie sur les modèles animaux d’infection expérimentale, a été auditionné compte tenu de conventions avec des industriels.
  •   Un expert auditionné, qui ne pouvait pas être présent à la séance du 24 mars 2016, a été entendu par l’ANSM le 18 mars 2016. Il s’agit de Monsieur Alain Dublanchet, biologiste au Centre Hospitalier Intercommunal de Villeneuve Saint-Georges, membre du Conseil Scientifique de la Société Pherecydes Pharma. Il est impliqué dans la préparation de bactériophages de cet industriel, il participe comme expérimentateur à un essai clinique de phages dont le promoteur est la Société Pherecydes Pharma. Monsieur Alain Dublanchet, très investi dans le domaine de la Copyright et clause de confidentialité
    Comité scientifique spécialisé temporaire – Séance du jeudi 24 mars 2016 –

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phagothérapie depuis de nombreuses années, a insisté sur la situation de besoin, sur les risques de résistance et de libération d’endotoxines, sur la nécessité d’une caractérisation au plan qualité biologique en particulier pour des voies d’administration parentérales. Il a illustré son propos par le cas d’un enfant présentant des infections urinaires récidivantes. Tous les éléments évoqués par Monsieur Alain Dublanchet ont été abordés comme attendus au cours de cette réunion.

L’ANSM a eu un échange le 17 mars 2016 avec Monsieur Albert Sotto, CHU Nîmes, Service des maladies infectieuses et tropicales, investigateur principal dans un essai académique (PHRC 2015) sur la phagothérapie mené dans des ulcères du pied chez le patient diabétique (essai clinique « Phagopied » non débuté).

Des représentants de Sociétés Savantes et d’Associations ont été entendus :  au cours de la séance du 24 mars 2016 :

o Madame France Roblot, représentante de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF).
o Madame Isabelle Durieu et Monsieur Raphaël Chiron, représentants de la Société Française de la Mucoviscidose. oMonsieur Jérôme Larché, représentant de l’Association PHAGESPOIRS, association visant à promouvoir d’une

part la recherche et l’utilisation des bactériophages dans le domaine diagnostique et thérapeutique, et d’autre part

à soutenir les patients désirant en savoir plus sur les bactériophages.  avant la séance du 24 mars 2016 :

oMonsieur Alain-Michel Ceretti, représentant de l’Association LE LIEN, association de défense des patients et des usagers de la santé, ne pouvant être présent le 24 mars 2016, a été auditionné à l’ANSM le 17 mars 2016.

Des représentants de la Société Pherecydes Pharma ont été auditionnés le 24 mars 2016 pendant le CSST. La Société Pherecydes Pharma est le promoteur de la seule étude clinique dans la phagothérapie actuellement menée dans des centres français (étude « Phagoburn », multicentrique, conduite en Suisse, Belgique et France) et pour laquelle la production de bactériophages est de qualité standardisée. De plus la Société Pherecydes Pharma porte le projet «PHOSA» sur la mise au point d’un cocktail de bactériophages anti-staphylocoques et le projet « PNEUMOPHAGE » qui a pour objectif de mettre au point un ensemble nébuliseur/phages et d’en assurer le développement préclinique dans l’indication « Traitement par inhalation des infections respiratoires à Pseudomonas aeruginosa ».

La réunion de ce comité scientifique du 24 mars 2016 s’est articulée en deux parties :
 une première partie a abordé les situations de besoin, des présentations de cas cliniques (patients en impasse

thérapeutique qui pourraient être éligibles pour un traitement par bactériophages, patients ayant déjà été traités par bactériophages), les domaines et objectifs thérapeutiques à cibler, les choix de bactériophages par rapport à la cible bactérienne ;

 une seconde partie a eu comme objectif de discuter des pré-requis sur des mises à disposition précoces des bactériophages [autorisations temporaires d’utilisation (ATU), essais cliniques].

Au cours de cette séance, des demandes d’ATU ont été examinées.

Liens d’intérêt

Une information sur le règlement intérieur des groupes de travail de l’ANSM a été donnée aux membres du CSST. Les conflits d’intérêts des personnes auditionnées ont été annoncés aux membres du CSST en début de réunion, les liens identifiés étant incompatibles avec une nomination comme membre d’une Instance de l’ANSM pour les personnes suivantes : Monsieur Olivier Patey, Monsieur Alain Dublanchet, Monsieur Patrick Jault, Monsieur Pascal Chavanet. Cependant, il a été précisé que Monsieur Olivier Patey et Monsieur Patrick Jault assisteraient à la quasi- totalité du CSST à l’exclusion des délibérations, leurs expertises étant nécessaires au déroulement du comité, ce qui a été accepté par les membres du CSST.
Une information a été également donnée aux membres du CSST sur des personnes entendues avant le CSST du fait de leur impossibilité à se rendre disponibles pendant cette séance du 24 mars 2016.
D’autre part les membres du CSST ont été interrogés sur le fait que les représentants de l’ANSM assistent aux délibérations. Les membres du CSST se sont prononcés à l’unanimité en faveur de la présence des représentants de l’ANSM pendant la totalité de la séance.

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Comité scientifique spécialisé temporaire – Séance du jeudi 24 mars 2016 –

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I-SITUATIONS DE BESOIN – INDICATIONS POTENTIELLES DE LA PHAGOTHERAPIE

Il s’agit de définir des situations de besoin potentiellement éligibles à un traitement par bactériophages au regard des situations cliniques et des impasses thérapeutiques.
Pour ce faire, des réflexions générales et des discussions ciblées par domaine thérapeutique ont été menées. Des cas cliniques ont été présentés.

Trois domaines thérapeutiques ont été principalement abordés(infections cutanées chez des patients brûlés, infections ostéo-articulaires, infections respiratoires), mais d’autres types d’infections ont été également discutés.

1) Approche générale

1.1 Audition de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF), France Roblot

France Roblot a présenté des situations de besoin en listant des infections dues à des bactéries en impasse thérapeutique : infections dues à Pseudomonas, infections à dues à des Entérobactéries productrices de bêta- lactamases à spectre étendu (EBLSE), infections dues à des bactéries productrices de carbapénémases ; infections avec des localisations pour lesquelles les antibiotiques présentent une mauvaise diffusion (eg infections osseuses). France Roblot a rappelé la problématique quotidienne actuelle très préoccupante de pénurie en antibiotiques.

Elle a en outre souligné qu’il n’existait pas de pré-requis définis selon les standards actuels d’évaluation pour asseoir une démonstration clinique de la phagothérapie.

1.2 Audition de l’Association PHAGESPOIRS, Jérôme Larché

Dr Jérôme Larché, président de l’Association PHAGESPOIRS, a signalé qu’étaient régulièrement rapportés des cas de personnes aux situations médicales complexes pour lesquelles la prise en charge est difficile voire sans solution, situations pouvant être à l’origine d’un certain nombre de décès.
A titre d’illustration, il a exposé des résultats issus d’une analyse interne (données non publiées) portant sur l’identification de 46 patients qualifiés en impasse thérapeutique sur un total de 145 dossiers connus de l’Association PHAGESPOIRS. Il a été précisé que ces 46 cas ne pouvaient pas refléter une situation exhaustive mais pouvaient illustrer une partie de ce que devait être la réalité. La moyenne d’âge de ces cas est de 56 ans, les 2/3 étant des hommes. L’origine de ces cas se répartit comme suit : 1⁄4 en ostéo-articulaire, 1⁄4 en cutané, 1⁄4 en respiratoire, les autres cas étant de divers domaines (notamment urinaire et digestif). Dans 35 % des cas, il s’agit d’infections polymicrobiennes. Plus de 80 % des patients ont reçu une antibiothérapie multiple. Les bactéries retrouvées sont plus fréquemment Pseudomonas aeruginosa (16 cas), staphylocoque méticilline-résistant (11 cas) et méticilline-sensible, puis moins fréquemment Escherichia coli et Klebsiella en particulier. Des pathologies sous-jacentes avec co- morbidités (diabète, troubles cardio-vasculaires, cancers, ..) sont retrouvés dans ces cas. Une proportion comparable de patients hospitalisés et non hospitalisés est observée.

Jérôme Larché a souligné le nomadisme médical de patients hors de France à la recherche de traitements par bactériophages dans un contexte où ces patients en situation d’impasse thérapeutique sur le plan infectieux ont considéré ne pas avoir de réponses satisfaisantes de la part du corps médical et des autorités de santé, ou après s’être fait signifier une situation d’impasse thérapeutique. Cette situation de nomadisme médical pose des problèmes éthiques, de sécurité et financiers. Aussi il a insisté sur l’importance de la réflexion menée par l’ANSM quant à l’utilisation en thérapeutique des bactériophages, tout en mettant en exergue la prudence sur ce type de traitement au vu des incertitudes scientifiques et des données limitées actuelles sur la phagothérapie. Il a alerté sur la nécessité à disposer d’études sur la phagothérapie tant sur le plan de l’efficacité que sur le profil de sécurité d’emploi, mais a pointé la difficulté d’être confronté au délai lié à la recherche alors qu’il y a urgence à proposer aujourd’hui une thérapie à des patients en attente de traitement, dans le contexte de plus en plus préoccupant d’antibio-résistance.

2) Infections cutanées chez des patients brûlés

D’après des données d’hospitalisations pour brûlures à partir du Programme de médicalisation des systèmes d’information – France métropolitaine 2011 et évolution depuis 2008 – (source InVS), les brûlures graves sont définies comme remplissant l’une des trois conditions suivantes:
 brûlures couvrant au moins 20 % de la surface corporelle chez les enfants de moins de 5 ans,

 brûlures couvrant au moins 30 % de la surface corporelle chez les patients âgés de 5 ans et plus,
 présence de brûlures au niveau des voies respiratoires.
Les séjours d’hospitalisation en Centres de Traitement des Brûlés (CTB) sont moins nombreux que ceux dans d’autres services, mais la durée de séjour est plus élevée en CTB que dans les autres services. Les victimes de brûlures graves en CTB ont un âge médian de 43 ans. Le risque de décéder suite à une hospitalisation pour brûlures augmente avec l’âge, et les patients hospitalisés en CTB ont plus de risque de décéder que ceux hospitalisés dans d’autres services (différence de gravité des brûlures).

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Pour illustration (données nationales)

Extrait Tableau 3A: Evolution des caractéristiques des hospitalisations pour brûlures, PMSI-MCO, France métropolitaine, 2008-2011

2008 2009 2010 2011
HOSPITALISATIONS 12 778 11 984 12 035 11 824
Prise en charge, durée de séjour, saisonalité
Séjours en centres de traitements des brûlés (CTB)* 5 227 (41%) 5 524 (46%) 5 576 (46%) 5 369 (45%)
Séjours dans les autres services 7 551 (59%) 6 460 (54%) 6 459 (54%) 6 455 (55%)
Gravité des hospitalisations en CTB**
Séjours pour brûlures graves en CTB 421 (10%) 456 (10%) 417 (9%) 456 (10%)
DMS*** brûlures graves en CTB (jours) 37.2 40.6 40.4 34.1
DMS*** brûlures peu graves en CTB (jours) 10.5 10.7 9.7 10.3

*Séjours dans les hôpitaux disposant d’un CTB
**Les indicateurs portant sur la gravité des brûlures en CTB portent sur environ 85% des séjours/patients en CTB, les 15% restant présentant des valeurs manquantes pour cet indicateur
***DMS : durée moyenne de séjour

Il a été souligné que plus la durée d’hospitalisation est prolongée, plus le risque infectieux augmente.
Les patients hospitalisés en réanimation de CTB sont généralement jeunes et présentent peu de comorbidités, ce qui contraste avec le profil de patients généralement hospitalisés en réanimation médicale.

En outre il a été souligné les résultats d’une étude rapportant des causes de décès chez des brûlés (Gomez R, Murray CK, Hospenthal DR, Cancio LC, Renz EM, Holcomb JB, Wade CE, Wolf SE. Causes of mortality by autopsy findings of combat casualties and civilian patients admitted to a burn unit. J Am Coll Surg. 2009; 208 (3) : 348 – 354). L’infection est rapportée comme première cause de décès (environ 60% des décès), les bactéries impliquées étant plus fréquemment Pseudomonas aeruginosa et Klebsiella pneumoniae et les moins fréquentes étant Escherichia coli, Acinetobacter, Serratia marcescens, Staphylococcus aureus. La seconde cause de décès est représentée par les atteintes pulmonaires (environ 55% des décès).

La stratégie de prise en charge des patients brûlés en France s’appuie sur les recommandations de la Société Française d’Etude et de Traitement des Brûlures (SFETB) (www.sfetb.org), celles-ci comportant en particulier des recommandations spécifiques sur l’utilisation des antibiotiques.
Les situations en impasse thérapeutique chez les patients brûlés surviennent lorsque tous les traitements envisageables se sont révélés inefficaces ou engendrent des effets secondaires qui ne permettent pas de recourir aux dits-traitements.

3) Infections ostéo-articulaires

3.1 Audition de l’Association LE LIEN, Alain-Michel Céretti (en amont de ce CSST)

Alain-Michel Céretti a souligné son intérêt pour la phagothérapie et a insisté sur l’attente existante chez des patients en impasse thérapeutique vis-à-vis de ce type de traitement, en ciblant notamment ceux impactés par des infections ostéo-articulaires. Il a rappelé à ce titre sa participation à la mise en place des centres de référence des infections ostéo-articulaires graves et complexes (CRIOA).

Alain-Michel Céretti a donné une estimation de 10 000 personnes en France présentant des infections ostéo- articulaires en situation de complexité de prise en charge thérapeutique. Il a insisté sur le fait que ce type d’infections en échec de traitement peut conduire à une amputation de membres, cette situation étant d’autant plus critique qu’il s’agit de sujets jeunes (survenue prépondérante dans un contexte d’accident de la voie publique).

[Voir également l’audition d’Alain-Michel Céretti à propos de l’importation de phages fabriqués selon une approche « personnalisée » – cf. chapitre V, section 3 de ce compte rendu -].

3.2 Eléments de discussion

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Il a été rappelé la grande hétérogénéité des infections ostéo-articulaires compte tenu des éléments suivants : la voie de contamination, le mode évolutif, le site infecté, l’extension de l’infection (de l’ostéite localisée à la pandiaphysite), le terrain (en considérant des facteurs locaux (vascularisation,…) et des facteurs généraux (immunodépression, …)), les bactéries impliquées dans l’infection, la présence ou non de matériel étranger, la continuité/consolidation osseuse, la couverture osseuse (/peau). En outre les infections ostéo-articulaires présentent des formes cliniques variées : atteintes de l’articulation et autour de l’articulation, infections de prothèse, ostéites, ostéomyélites.

Les bactéries impliquées dans les infections ostéo-articulaires sont principalement les staphylocoques, streptocoques, entérobactéries (Escherichia coli), Pseudomonas aeruginosa, anaérobies, en infection mono- ou polymicrobienne.
A noter que l’os sain s’infecte rarement, et que le biofilm bactérien constitue un moyen de survie des bactéries. Par la protection mécanique du biofilm, les bactéries sont protégées des cellules immunitaires et ne peuvent pas être atteintes par l’antibiotique. En effet les bactéries physiquement à l’abri des défenses immunitaires et des antibiotiques, survivent en ralentissant de façon majeure leur métabolisme. Les antibiotiques sont alors moins efficaces, car leur diffusion est diminuée, ainsi que leur activité, qui se fait en général sur des bactéries en phase de multiplication.

Une énumération de situations très difficiles à traiter, en impasse thérapeutique, présentant des situations à risque de récidive et/ou d’échec, pour lesquelles le pronostic fonctionnel de l’os et/ou de l‘articulation est mis en jeu, a été proposée :

  •   atteinte osseuse très étendue et ancienne (eg pandiaphysite du fémur),
  •   limitation importante du choix antibiotique compte tenu de bactérie(s) multi-résistante(s) aux antibiotiques et/ou de contre-indications aux antibiotiques,
  •   en cas d’immunodépression sévère,
  •   en cas de défaut de vascularisation osseuse (eg ostéites sur os post-radiques (hanche, fémur, symphyse pubienne) constituant des situations propices à la récidive d’infections et de complications ; artériopathie sous-jacente),
  •   en présence d’autres facteurs locaux péjoratifs (eg patient multi-opéré avec tissus très fibreux). Les infections de prothèses sont à prendre en compte :
  •   infections de prothèses récidivantes (sujettes à des infections répétées dues à différentes bactéries),
  •   en cas de contre-indication à la chirurgie, d’infections évolutives (sepsis, abcès, fistule) : eg patient très âgé, nombreuses co-morbidités (traduisant un risque opératoire élevé) ; situations où une antibiothérapie prolongée est indiquée (posant la problématique d’une efficacité limitée des antibiotiques, de leur tolérance et de leur impact sur la flore). Les infections du rachis sont à considérer compte tenu que le traitement doit prendre en compte le matériel mis en place, matériel qui ne peut pas être retiré dans de nombreux cas.

4) Infections respiratoires
4.1 Situations de besoin dans le cadre d’infections respiratoires pour des patients atteints de mucoviscidose
Audition de la Société Française de la Mucoviscidose, Isabelle Durieu et Raphaël Chiron

La mucoviscidose touchant différents organes, l’approche thérapeutique est pluridisciplinaire. Les Centres de Ressources et de Compétences de la Mucoviscidose (CRCM), qui sont au nombre de 45, permettent de coordonner les soins des patients, l’organisation des soins étant structurée en réseau. Aussi les patients atteints de mucoviscidose constituent une population médicalement très suivie.

Au cours de la mucoviscidose, au niveau de l’arbre respiratoire, l’augmentation de la viscosité du mucus favorise l’accumulation et la fixation des bactéries, concourant à l’installation précoce d’une infection rapidement chronique associée à une réaction inflammatoire, ce qui engendre la dégradation pulmonaire. Les infections broncho- pulmonaires constituent le problème majeur de ces patients, l’insuffisance respiratoire chronique évolutive étant responsable in fine de la grande part des décès. C’est la maladie elle-même qui fait le lit de l’infection.

La colonisation bactérienne survient tôt dans l’histoire naturelle de la maladie, les premiers germes en cause étant Haemophilus influenzae et Staphylococcus aureus, précédant la colonisation à Pseudomonas aeruginosa. L’évolution de la maladie conduit à ce que tous les patients soient colonisés et les bactéries suivantes peuvent être notamment retrouvées : Pseudomonas aeruginosa, Stenotrophomonas maltophilia, Burkholderia cepacia, mycobactéries atypiques (Mycobacterium avium et Mycobacterium abscessus), avec un profil de résistance aux antibiotiques.

Les patients peuvent présenter des infections monomicrobiennes mais également polymicrobiennes.

Les stratégies thérapeutiques s’appuient sur des recommandations qui prévoient des choix antibiotiques en fonction de la bactérie isolée. En particulier, dans le cas d’infection chronique à Pseudomonas aeruginosa, le traitement antibiotique a pour but de diminuer l’inoculum bactérien, d’espacer les exacerbations et de ralentir la dégradation fonctionnelle respiratoire, et dans ce cadre des stratégies antibiotiques sont préconisées pour le traitement des exacerbations de même qu’en traitement d’entretien de l’infection chronique.

Pour la majorité de patients, l’administration d’antibiotiques administrés par voie inhalée et par voie générale permet une prise en charge satisfaisante des infections broncho-pulmonaires. La transplantation pulmonaire reste le traitement de l’insuffisance respiratoire avancée, mais la greffe pulmonaire présente des contre-indications parmi lesquelles figure pour beaucoup de centres la colonisation à Burkholderia cepacia.

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D’après le registre français de la mucoviscidose (registredelamuco.org) selon le bilan des données 2014, le nombre de patients atteints de mucoviscidose est estimé en France à 6 412. L’âge moyen des patients atteints de mucoviscidose est de 20,8 ans, l’âge moyen de décès est de 29 ans.
Les situations d’impasse thérapeutique peuvent être les suivantes :

 intolérance aux antibiotiques,
 patient en attente de transplantation pulmonaire / lorsque la transplantation pulmonaire ne peut pas être effectuée.

La stratégie de la phagothérapie pourrait se concevoir selon deux cadres de traitement :
 en traitement d’urgence compte-tenu du pronostic vital du patient engagé et de l’impossibilité à pratiquer une

transplantation pulmonaire,
 en traitement d’entretien en ciblant les colonisations à Pseudomonas aeruginosa (ne répondant pas aux schémas

thérapeutiques actuellement disponibles et recommandés).

4.2 Situations de besoin dans le cadre d’infections respiratoires pour des patients non atteints de mucoviscidose

  •   Ces situations sont principalement représentées par les pneumonies acquises sous ventilation mécanique (PAVM) en réanimation. Compte tenu des données disponibles, une PAVM est estimée survenir chez environ 20% des patients intubés, avec une incidence qui s’accroit avec la durée de la ventilation mécanique. L’impact des PAVM sur la morbi-mortalité des patients de réanimation est certain. La physiopathologie des PAVM est liée à la colonisation bactérienne des voies aériennes supérieures et digestives par des germes pathogènes et doit tenir compte de l’altération des mécanismes de défenses du patient. Les facteurs de risque à développer une PAVM sont nombreux et potentiellement liés au patient, à sa pathologie, à la réanimation, aux traitements reçus. Les caractéristiques microbiologiques des PAVM et notamment l’incidence de bactéries multi-résistantes sont liées notamment à l’écologie locale des services. Si dans les PAVM précoces les germes classiquement retrouvés sont sensibles aux antibiotiques, dans des PAVM tardives la probabilité est plus importante de retrouver des bactéries résistantes (eg Pseudomonas aeruginosa, Klebsiella pneumoniae, Acinetobacter sp., Staphylococcus aureus méticilline-résistant, Entérobactéries multi-résistantes). Les stratégies antibiotiques s’appuient sur des recommandations de prise en charge.
    Les situations d’impasse thérapeutique peuvent être illustrées par des cas de pneumonies acquises sous ventilation mécanique dues à bactéries multi-résistantes.
  •   Des situations autres que les PAVM ont été évoquées : cas de dilatations des bronches, cas de dyskinésies ciliaires primitives.

5) Autres infections

Des situations qualifiées en besoin thérapeutique dans des domaines autres que ceux précédemment analysés ont été identifiées. Il s’agit d’infections dans les aires thérapeutiques suivantes :

  •   certaines infections urinaires sur uropathies (multi-)opérées avec ou sans cathéter,
  •   des infections sur prothèses vasculaires mettant en jeu le pronostic vital, les bactéries impliquées étant des staphylocoques, des entérobactéries, Pseudomonas aeruginosa.
    L’intérêt d’une utilisation potentielle de phages en traitement palliatif a été souligné. II– AUDITION DE LA SOCIETE PHERECYDES PHARMA La Société Pherecydes Pharma a présenté des résultats issus de l’étude « Phagoburn » dont elle est promoteur. Cet essai clinique mené chez les patients brûlés, en cours actuellement, prévoit une application locale de cocktails de bactériophages anti-Escherichia coli ou anti-Pseudomonas aeruginosa. Les phages utilisés dans ce cadre sont des phages naturels lytiques stériles produits industriellement1. La Société Pherecydes Pharma a évoqué ses axes de recherches et ses produits en développement : phages anti- Staphylococcus aureus pour des infections ostéo-articulaires et dans l’ulcère du pied diabétique, et phages anti- Pseudomonas aeruginosa pour des infections respiratoires.
    En outre la Société Pherecydes Pharma a exposé des résultats de phagogrammes (études de la sensibilité de souches bactériennes à des phages) compte tenu des cocktails de phages dont elle dispose actuellement, pour des patients chez qui des demandes de phagothérapie ont été sollicitées. L’ANSM a interrogé la Société Pherecydes Pharma sur sa capacité à délivrer des bactériophages dans le cadre d’ATU nominatives. 1 Les phages lytiques sont des bactériophages dont le cycle viral, une fois engagé, ne peut conduire qu’à la lyse de la bactérie hôte, contrairement aux phages tempérés qui peuvent intégrer leur génome à celui de la bactérie sans la lyser. Les phages tempérés en raison du risque intégratif sont exclus des applications thérapeutiques.
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III- EXAMEN DE DEMANDES D’ATU NOMINATIVES POUR DES PHAGES

Trois cas cliniques ont été présentés.
Les seuls médicaments contenant des bactériophages et dont la connaissance de la qualité pharmaceutique par l’ANSM permettrait leur autorisation dans le cadre d’ATU nominatives sont à ce jour les cocktails de bactériophages anti-Escherichia coli ou anti-Pseudomonas aeruginosa produits par la Société Pherecydes Pharma pour l’essai clinique Phagoburn.

Des demandes d’ATU nominatives pour ces cocktails de phages ont été soumises à l’ANSM.
Ces demandes d’ATU nominatives ont été examinées collégialement par ce comité scientifique en tenant compte des résultats de phagogrammes établis par la Société Pherecydes Pharma.

La méthodologie utilisée pour les phagogrammes par la Société Pherecydes Pharma a été jugée adéquate par le comité scientifique.

1) Cas N°1 : Cas d’infection urinaire

Il s’agit d’une patiente âgée de 13 ans et demi, ayant subi plusieurs interventions chirurgicales au plan uro- néphrologique pour malformation, qui est sujette à des pyélonéphrites à répétition (nombreuses bactéries identifiées au cours des différents épisodes) sur rein unique.
L’infection à Escherichia coli identifiée actuellement est en voie d’être contrôlée par un traitement antibiotique qui a dû tenir compte du terrain allergique et de l’intolérance médicamenteuse de la patiente. Il est notamment rapporté une poursuite de l’amélioration de cette patiente au plan radiologique, avec en particulier une légère diminution de taille des images micro-kystiques rénales.

Une demande d’ATU pour le cocktail de phages anti-Escherichia coli de la Société Pherecydes Pharma a été soumise à l’ANSM dans le cadre d’une prise en charge qui s’apparente selon les membres du CSST à une demande de traitement préventif de rechutes éventuelles.
Il a été procédé à l’analyse de la sensibilité de la souche de Escherichia coli de cette patiente aux phages de la Société Pherecydes Pharma (phagogramme), et il apparaît que la bactérie est sensible au cocktail de phages anti- Escherichia coli.

Cependant si les antécédents de cette patiente sont notables et que le pronostic fonctionnel rénal est lié au rein unique restant, la situation actuelle ne peut pas être considérée selon l’avis des membres présents (N= 9) du CSST comme une impasse thérapeutique éligible à un traitement par phages selon une ATU. De plus aucune donnée ne permet de sous-tendre l’utilisation des bactériophages en traitement préventif d’infections urinaires et il ne peut pas être confirmé que l‘infection soit mono-microbienne. Aussi à ce stade des connaissances sur les bactériophages, il ne peut pas être conclu que l’utilisation de ces phages va être susceptible de présenter un bénéfice pour cette patiente compte tenu du tableau clinique exposé en séance.

En revanche, il a été considéré qu’une demande d’ATU pourrait être de nouveau considérée en cas d’aggravation de la situation clinique de cette jeune fille, d’absence d’alternative thérapeutique ou de tout autre élément dont l’équipe médicale jugera nécessaire d’informer l’ANSM.

2) Cas N°2 : Cas d’infection broncho-pulmonaire

Il s’agit d’une patiente âgée de 66 ans avec altération de l’état général, qui présente une dilatation des bronches et une sur-infection broncho-pulmonaire à Pseudomonas aeruginosa muti-résistant sur un poumon unique dans un contexte d’importants antécédents médicaux et chirurgicaux. Des épisodes antérieurs de surinfections bronchiques avaient conduit la patiente il y a plusieurs années à recevoir une administration de phages par aérosol, la bactérie n’ayant pas été retrouvée dans les cultures de crachats plusieurs mois après. Une demande d’ATU a été soumise à l’ANSM pour le cocktail de phages anti-Pseudomonas aeruginosa de la Société Pherecydes Pharma, cette phagothérapie étant prévue d’être possiblement associée à une antibiothérapie.

Cette situation est considérée comme une impasse thérapeutique par les membres présents (N= 9) du CSST et peut être éligible pour une ATU à condition de s’assurer de la sensibilité des phages à la bactérie. Or il a été procédé à l’analyse de la sensibilité de la souche de Pseudomonas aeruginosa de cette patiente aux phages de la Société Pherecydes Pharma, et il apparaît que la bactérie n’est pas sensible au cocktail de phages anti-Pseudomonas aeruginosa. Par conséquent compte tenu du phagogramme présenté en séance, les membres du CSST ont conclu que l’utilisation de ces phages n’était donc pas susceptible de présenter un bénéfice pour cette patiente.

3) Cas N°3 : Cas d’infection sur prothèse vasculaire

Il s‘agit d’un enfant de 2 ans, transplanté hépatique, qui a eu plusieurs épisodes de cholangite bactérienne ayant nécessité des antibiothérapies prolongées, présentant une infection chronique à Pseudomonas aeruginosa multi- résistant dans un contexte d’immunodépression, ce patient étant porteur d’une prothèse vasculaire et d’une fistule digestive.

Compte tenu de l’impasse thérapeutique devant laquelle sont confrontées les équipes en charge de ce patient, les membres présents du CSST ont considéré ce cas comme pouvant relever d’une demande d’ATU. La souche

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bactérienne identifiée chez ce patient n’ayant pas été envoyée par l’équipe médicale à la Société Pherecydes Pharma, aucun phagogramme n’était disponible en séance.
Considérant l’intérêt à proposer sans tarder un nouveau traitement mais actant les incertitudes sur l’efficience du traitement par phages pour cet enfant (sensibilité de la bactérie aux phages inconnue, modalités de traitement par phages à définir), le CSST a souhaité que l’équipe médicale soit contactée pour voir si la situation clinique de ce patient permettait d’attendre la réalisation du phagogramme avant de statuer sur cette demande, et si tel était le cas que le phagogramme soit effectué.

L’ANSM a proposé de solliciter les membres du CSST après cette séance compte tenu de la réponse de l’équipe médicale afin de discuter du bien-fondé ou non de cette ATU, ce que les membres présents (N=9) du comité scientifique ont accepté.

Note post-réunion

La situation clinique de cet enfant de 2 ans (cas N°3) permettant la réalisation du phagogramme, celui-ci a été établi par la Société Pherecydes Pharma quelques jours après le CSST. Il est apparu que la souche de Pseudomonas aeruginosa n’était pas sensible au cocktail de phages. Au vu de ce résultat discuté avec les membres du CSST, il a été conclu que l’utilisation de ces phages anti-Pseudomonas n’était pas susceptible de présenter un bénéfice pour ce patient.

IV – ELEMENTS DE DISCUSSION SUR LES LIMITES D’UN TRAITEMENT PAR BACTERIOPHAGES

Même en situation de mise à disposition précoce des phages, les limites de la documentation notamment sur des aspects pharmacologiques, de modalités d’administration occasionnent des incertitudes et des questions. Différentes étapes et paramètres sont à considérer lorsque l’on envisage un traitement par phages ; leur inadéquation pourrait engendrer une mauvaise réponse au traitement.

L’évaluation par l’ANSM de la qualité des phages proposés pour une éventuelle ATU constitue une étape préalable à leur mise à disposition. De plus, les exigences requises sont fonction de la voie d’administration qui sera utilisée en thérapeutique. Notamment, les cocktails de phages actuellement utilisés dans l’essai clinique Phagoburn ayant déjà fait l’objet d’une évaluation, ceux-ci pourraient être proposés dans le cadre des ATU, sous réserve que la voie d’administration proposée reste compatible avec les caractéristiques pharmaceutiques de ces cocktails. Etant donné que ces médicaments expérimentaux sont stériles mais non apyrogènes, les voies d’administration suivantes peuvent être envisagées au regard des données qui ont été fournies par la Société Pherecydes Pharma à l’ANSM, sous réserve d’une validation clinique de cette utilisation : voie orale, voie rectale, inhalation ou nébulisation, voie auriculaire, application cutanée ou instillation nasale. La voie parentérale n’est donc pas possible à ce jour sur la base des données de qualité disponibles.

L’efficience de la phagothérapie doit prendre en compte l’activité du ou des phages sur les souches bactériennes isolées chez le sujet (phagogramme). En l’absence d’activité, des échecs sont à prévoir.

L’aspect mono- ou polymicrobien de l’infection doit être pris en compte. A titre d’illustration, dans les infections ostéo- articulaires les infections polymicrobiennes correspondent à environ 10% des infections sur prothèses. Le traitement par phages va être ciblé dans le contexte ici défini dans le traitement d’infections mono-microbiennes.
Selon les infections et bactéries impliquées, peut se poser la question de la pénétration du phage au travers du biofilm bactérien (eg infection sur matériel) et dans les tissus infectés (eg tissu osseux). Même si des travaux non cliniques commencent à être disponibles, il a été souligné la limitation des données concernant l’activité de phages sur le biofilm.L’accessibilité et le type du prélèvement bactériologique doivent être considérés (eg dans des infections ostéo-articulaires, à partir de résultats de prélèvements per-opératoires ?, de la ponction articulaire pour les infections de prothèse ?), car il est indispensable que le phagogramme soit réalisé sur la souche réellement responsable de l’infection.

Même si des travaux non cliniques peuvent être contributifs, le manque de documentation sur la diffusion des phages dans certains tissus de l’organisme (eg diffusion osseuse) a été mis en exergue, ce qui engendre des incertitudes pour un traitement par phages dans ce domaine.

Il a été soulevé la faiblesse de documentation sur des modalités d’utilisation des phages, amenant à discuter des points suivants :

 Dose de phages et moment de leur administration
Pour rappel, les bactériophages sont des virus qui possèdent la particularité de n’infecter que des bactéries pour traiter des infections bactériennes. Les avantages avancés de la phagothérapie résident notamment en une grande spécificité d’espèce, chaque bactériophage n’infectant qu’une seule souche ou espèce bactérienne pathogène précise. Le processus débute par la fixation du phage sur une cible spécifique située à la surface de la bactérie hôte. Injecté dans la bactérie, l’acide nucléique prend le contrôle des synthèses bactériennes à son profit. Rapidement, la bactérie donne naissance à plusieurs dizaines de bactériophages et est lysée. Les nouveaux bactériophages libérés rencontrent les bactéries voisines et reproduisent d’autres cycles lytiques, le nombre de bactériophages augmentant de façon exponentielle tandis que le nombre de bactéries diminue

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rapidement. Ainsi les phages ont la particularité de ne se multiplier qu’en présence de bactéries cibles au site de l’infection menant à une production phagique in situ (phénomène d’auto-amplification), et de disparaitre avec ces bactéries cibles. Aussi la lyse bactérienne ne va concerner que les bactéries à éliminer.
Ce mécanisme d’action permet d’expliquer que le cycle d’amplification des phages pourrait ne pas se produire en cas d’afflux rapide et important de phages sur un site infecté, ce qui engendrerait une lyse bactérienne massive, et en outre pourrait être responsable d’événements secondaires graves dus à cette lyse bactérienne importante (eg événements indésirables à type de choc). Il faut noter que ce type d’effets secondaires n’est pas rapporté dans de nombreuses publications, Cependant des membres du CSST ont souligné l’importance d’administrer une dose suffisamment élevée de bactériophages. Dans la littérature, est évoquée l’importance du ratio phage/bactérie au site de l’infection.

 Voie d’administration, compte tenu des voies qui seraient envisagées en clinique
L’administration locale de phages pourrait être considérée comme la plus sécuritaire selon les données disponibles avec de plus l’avantage de connaitre la quantité de phages délivrée au site de l’infection, mais une telle administration ne peut pas constituer une réponse à un traitement d’infections systémiques. L’administration locale pourrait revêtir différentes modalités qui seraient à documenter (eg pour des infections ostéo-articulaires, administration en per-opératoire ?, en post-opératoire par les drains de Redon ?, en injection intra-articulaire ?). L’administration orale pourrait soulever la problématique de l’inactivation des phages par l’acidité gastrique (mais discussion sur des propositions d’actions correctrices pour préserver les phages comme l’alcalinisation préalable de l’estomac telle que relatée dans des travaux).
Des interrogations se posent sur le passage des phages dans la circulation sanguine avec une incertitude sur la quantité de phages délivrée au niveau systémique après administration par voie orale ou à travers les muqueuses (voie rectale, voie sublinguale, voie intranasale).
L’administration par voie générale par injection serait une approche permettant de connaître directement la quantité de phages délivrée dans la circulation sanguine, mais sans toutefois connaitre la quantité de phages au site de l’infection.
Outre les questions de biodisponibilité à la zone d’infection, la voie d’administration doit être choisie en fonction de critères pharmaceutiques, notamment en matière de contamination microbienne ou de la présence de pyrogènes dans le produit.

 Rythme d’administration des phages
Le choix du rythme d’administration des phages (administration unique ?, administration multiple ?, modalités) peut être complexe compte tenu de la limitation des données disponibles.

Il est rapporté des travaux effectués sur l’action synergique de phages et d’antibiotiques. Cependant la stratégie d’utilisation des phages selon les indications (en complément de l’antibiothérapie ?, d’une chirurgie ?, selon une utilisation isolée de phages ?) reste à valider.

La prise en compte de l’ensemble des points évoqués peut rendre des situations plus ou moins adaptées à la phagothérapie. Certaines situations pourraient être appréhendées plus favorablement que d’autres compte tenu qu’il y aurait une identification du microorganisme permettant une vérification de la sensibilité aux phages, une surveillance microbiologique rapprochée, une administration locale facilitée et un contrôle per-traitement de la sensibilité du microorganisme aux phages (eg certaines infections respiratoires en réanimation).

On peut s’attendre à des échecs potentiels de traitement par phages compte tenu de bactéries résistantes aux phages, d’anticorps dirigés contre les bactériophages. A ce titre la recherche d’anticorps avant traitement peut présenter un intérêt.
La composition des cocktails de phages doit être pesée en évitant un trop large spectre et prenant en compte le risque de résistance.

V – REFLEXIONS SUR UNE STRATEGIE DE MISE A DISPOSITION DES BACTERIOPHAGES

Les discussions ont eu comme objet de cerner l’encadrement d’un usage pour un patient donné des cocktails de phages disponibles selon des autorisations temporaires d’utilisation nominatives (ATUn), et de voir dans quelle mesure d’autres approches de mise à disposition précoces de phages en France pouvaient être considérées en tenant compte de leur mode de développement.

Ces réflexions nécessitent de prendre en compte des aspects pharmaceutiques et réglementaires. Il a été précisé en séance qu’il avait été prévu que les questions liées à la fabrication des bactériophages et à leur qualité pharmaceutique fassent l’objet d’une séance spécifique de CSST, séance qui aurait lieu prochainement. Aussi les membres du CSST ont été prévenus que certains points ne pourraient pas faire l’objet d’approfondissement lors de cette réunion.

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1) Modes de développement des phages

Différents modes de développement des phages seraient à distinguer et peuvent être schématisés comme suit :

Phages « prêts à porter » – cocktails de phages

Les phages « prêts à porter » sont fabriqués selon une production industrielle à partir de plusieurs souches de bactéries et sont susceptibles de traiter un type de pathologie. L’approche consiste à fabriquer un cocktail de phages représentatif et pertinent en fonction du contexte épidémiologique, le cocktail permettant un élargissement du spectre d’action de chaque phage.

Phages « sur-mesure » ou «à façon»

Les phages « sur-mesure » ou «à façon» ont la particularité d’être adaptés à la bactérie isolée du patient concerné. Après isolement de la bactérie en cause au site de l’infection du patient, la sensibilité de celle-ci va être testée contre des phages répertoriés dans des banques ou des collections.

Autre
Il s’agirait d’un intermédiaire entre les cocktails de phages « prêts-à-porter » et l’approche « sur-mesure » avec une

adaptation des phages des cocktails.

Remarques

Ces modes de développement sont utilisés dans certains pays de l’Est (Géorgie notamment). Il a été signalé que des fabrications « personnalisées » pourraient être effectuées en Europe.

2) Réflexions sur une organisation d’encadrement de la phagothérapie dans le cadre d’ATU en France

L’ANSM a rappelé que l’ATU nominative (ATUn) d’un médicament est délivrée pour un seul patient nommément désigné, ne pouvant pas participer à une recherche biomédicale, à la demande et sous la responsabilité du médecin prescripteur. L’ATUn est une procédure exceptionnelle, dérogatoire, qui permet l’accès à des médicaments n’ayant pas d’autorisation de mise sur le marché en France et pour lesquels aucune alternative thérapeutique n’est disponible, dès lors que le rapport efficacité-sécurité est présumé favorable pour le patient au vu des données disponibles. L’ATUn peut être délivrée en l’état des thérapeutiques disponibles si des conséquences graves pour le patient sont très fortement probables.

Les médicaments mis à disposition dans le cadre d’ATUn ne peuvent être délivrés que dans des pharmacies hospitalières.
Le dispositif des ATUn suppose que le médicament est fabriqué par un industriel et que cet industriel est favorable à une telle mise à disposition du médicament, l’industriel étant libre pour en fixer le prix, le coût du médicament étant à la charge de l’établissement où le patient est pris en charge.

Les discussions du CSST ont abordé l’importance d’encadrement des potentielles ATU de phages en soulignant les éléments suivants :

  •   Des recommandations sur les indications de la phagothérapie présenteraient un grand intérêt.
  •   La mise en place d’un centre national de référence (CNR) a été proposée pour apporter une expertise multidisciplinaire selon une coordination centrale, les lieux de soins devant être répartis sur le territoire national compte tenu de l’infaisabilité de traiter les patients en seul centre. L’intérêt d’un suivi des cas traités a été exprimé.
  •   Selon l’audition de l’Association PHAGESPOIRS, Jérôme Larché a insisté sur l’intérêt d’une validation collégiale concernant la qualification des situations en impasse thérapeutique en vue de traitement par phages dans le cadre d’une analyse bénéfice-risque. Il a proposé qu’il y ait une utilisation de phages sur une base de protocole thérapeutique, après validation par un comité d’éthique et information du patient avec signature d’un consentement éclairé. Il a souligné l’importance d’un suivi médical de ces patients éligibles au traitement des phages avec établissement d’un registre permettant de recueillir des données. Face à ces propositions, l’ANSM a rappelé qu’elle ne comporte pas dans ses missions l’établissement et la gestion de centres de référence. Cependant dans la lignée des propositions de ce comité scientifique et en phase avec des actions déjà menées par l’ANSM dans d’autres domaines thérapeutiques, il a été considéré que la mise en place d’un groupe d’experts mandatés pour évaluer les demandes d’ATUn au cas par cas pour phagothérapie est souhaitable , permettant ainsi un examen collégial des cas cliniques. Aussi il a été admis qu’il était essentiel de proposer dès à présent une stratégie de mise à disposition précoce des phages pour des situations compassionnelles, en impasse thérapeutique, avec un cadre d’utilisation défini : Copyright et clause de confidentialité
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Situations de besoin

Lors de la réunion du CSST ont été évoquées sans qu’elles soient exhaustives, des situations cliniques et de possibles impasses thérapeutiques en identifiant des types de bactéries majoritairement concernées, selon différentes aires thérapeutiques (infections cutanées chez des brûlés, infections ostéo-articulaires, infections respiratoires, infections urinaires, infections sur prothèse vasculaire).

A l’issue du débat, un consensus s’est dégagé au sein des membres présents du CSST sur des critères justifiant une situation de besoin, applicables à tout type d’infections pour un accès précoce aux bactériophages, à savoir :
o un pronostic vital engagé ou pronostic fonctionnel menacé,

ol’impasse thérapeutique,
oune infection mono-microbienne.

Modalités de validation et de suivi

Lors de la réunion du CSST, il a été admis au regard des données limitées à ce jour pour sous-tendre l’utilisation de phages :

o la nécessité d’un board de validation pour toute demande d’ATUn de bactériophages afin d’obtenir un avis collégial;

o la nécessité de disposer des résultats d’un phagogramme avant la décision d’une mise sous traitement (d’où la nécessité à réaliser un phagogramme dans des délais rapides).

Ce board coordonné par l’ANSM sera constitué des membres pluridisciplinaires du CSST.

Ce board rendra un avis à l’ANSM en s’appuyant sur les données de la littérature, la situation de besoin spécifique du patient, les résultats du phagogramme, et sur des éléments de rationnel fournis pour les essais en cours et à venir. En effet compte tenu des données disponibles sur un rationnel permettant de sous-tendre une utilisation afin d’étayer une présomption d’efficacité, le board d’experts s’attachera à évaluer le bien-fondé des demandes de traitement.

Il convient de rappeler que comme pour toutes ATUn, les ATUn de phages ne doivent pas entraver la recherche dans la mesure où ces ATUn ne seraient destinées que pour des patients qui ne peuvent pas être inclus dans un essai clinique. L’inclusion de patients dans un essai clinique est à privilégier dans un accès compassionnel. A noter qu’un seul essai clinique est en cours actuellement (essai « Phagoburn ») et que des PHRC sont prévus dans des infections ostéo-articulaires (essai « Phagos ») et dans des ulcères du pied chez le patient diabétique (essai « Phagopied »).

Les éléments de suivi (qui restent à définir à ce jour) seront colligés dans le cadre d’ATUn protocolisées qui sera mis en place.
Dans la mesure où un système d’ATUn est requis, les demandes devraient être subordonnées à l’exploitation d’un protocole d’utilisation thérapeutique et de recueil d’informations, l’objectif étant de permettre d’assurer la sécurité, le suivi et l’information du patient et d’autre part d’améliorer la connaissance des phages.

Type de produits mis à disposition

Les phages de qualité standardisée selon une fabrication industrielle pourraient être utilisés dans le cadre d’ATUn compte tenu que l’industriel pourrait être en capacité de proposer cette activité.
Aujourd’hui les seuls phages de qualité standardisée contrôlée fabriqués industriellement sont ceux de la Société Pherecydes Pharma (phages dirigés contre Escherichia coli et contre Pseudomonas), qui est promoteur de l’essai clinique en cours « Phagoburn ».

L’ANSM doit engager des démarches auprès de la Société Pherecydes Pharma afin de s’assurer que cet industriel pourra proposer cette activité de mise à disposition de phages par le biais d’ATUn.
Les demandes d’ATUn ne peuvent concerner que ces produits.

3) Eléments de discussion
Phages « prêts à porter » – Cocktails de phages –

Les phages «prêts à porter» présentent des limites dans la mesure où ils ne peuvent pas couvrir toutes les situations cliniques :
odes souches bactériennes isolées chez les patients peuvent ne pas être sensibles à ces phages (illustration avec

les cas cliniques présentés lors de cette séance),
oles phages ne peuvent pas être utilisés dans des traitements d’infections dues à des bactéries autres que celles

pour lesquelles ils ont été fabriqués (par exemple infections à staphylocoques en particulier pour des infections ostéo-articulaires alors que les phages actuellement disponibles de la Société Pherecydes Pharma sont uniquement dirigés contre Escherichia coli et contre Pseudomonas),

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oces cocktails de phages ont été fabriqués pour une administration par voie cutanée sur peau lésée, ils sont stériles mais non exempts de pyrogènes.

Tout en étant conscient de ces limites, le CSST a conclu que ce type de mise à disposition de phages constituait une possibilité thérapeutique à considérer compte tenu du niveau de contrôle de la qualité pharmaceutique des phages produits.

Approches « personnalisées »

Les discussions du CSST ont porté sur l’intérêt d’un usage en France de phages résultant d’une fabrication « personnalisée » pour répondre à des situations compassionnelles en impasse thérapeutique au plus près du patient pour des cas qui ne peuvent pas être traités par les cocktails de phages de fabrication industrielle.

A ce jour aucune fabrication « personnalisée » n’est proposée en France.

Le débat a porté sur une fabrication « sur-mesure » ou « à façon » de préparations magistrales. A ce titre il a été rappelé que les textes de Bonnes Pratiques de Préparation ainsi que la monographie en vigueur de la Pharmacopée européenne « Préparations pharmaceutiques » fixent un cadre à la fabrication/préparation des produits. En outre il a été reprécisé que la préparation magistrale ne peut être préparée que selon une prescription médicale et en l’absence de spécialité disponible sur le marché, le pharmacien ayant la responsabilité de décision de réalisation des préparations.

La question de la fabrication de phages adaptés à chaque patient en impliquant une préparation de phages à partir des collections de phages produits industriellement comportant un contrôle de leur qualité pharmaceutique a été soulevée, mais il a été souligné que cette approche ne pourrait s’envisager que si un industriel était intéressé par ce type d’activité.

Il a semblé qu’une approche conciliant une fabrication industrielle avec un versant personnalisé pourrait répondre aux développements de thérapies personnalisées. Cette discussion a conduit à réfléchir sur l’intérêt d’un mode original d’enregistrement pour ces types de phages, à l’image de ce qui avait été effectué pour des vaccins grippaux en situation de pandémie grippale (de type « mock-up ») ou en écho à la réglementation relative aux APSI (allergènes préparés spécialement pour un seul individu).

En lien avec l’audition de l’Association LE LIEN (Alain-Michel Céretti) et compte tenu des discussions du CSST, des questions se sont posées sur une fabrication «personnalisée» de phages, avec l’identification des problématiques suivantes :
ola compatibilité avec la réglementation nationale d’importations de phages préparés selon une approche

« personnalisée » à l’étranger, avec des re-contrôles en France sur le produit fini importé,
ola faisabilité d’une fabrication de phages selon une approche « personnalisée » en France,
o les responsabilités au plan juridique des professionnels qui seraient impliqués en France dans l’utilisation de phages

provenant de l’étranger.
L’ANSM s’est engagée à ce que ces questions fassent l’objet d’une évaluation et qu’elles soient débattues lors d’une prochaine séance du CSST.

Au total

Il est ressorti des discussions de ce CSST qu’il était impératif de proposer un traitement par bactériophages dès à présent au vu de situations de besoin et d’impasses thérapeutiques.
L’ensemble des réponses à apporter pour une mise à disposition de phages en France ne peut se concevoir que selon différentes échéances compte tenu de la nécessité de valider chaque piste discutée.

Aussi outre des actions spécifiques qui sont du ressort de l’ANSM, l’ANSM doit engager des échanges avec d’autres Instances notamment de santé publique, publiques et avec la Société Pherecydes Pharma pour mieux appréhender l’ensemble de la problématique et la faisabilité de mise à disposition des phages en France.

VI– PRE-REQUIS POUR DES MISES A DISPOSITION PRECOCES DE BACTERIOPHAGES

L’expérience sur les phages acquise depuis plusieurs années dans certains pays ne peut à elle seule constituer, sur ce principe d’ancienneté, un niveau d’efficacité et de sécurité suffisant répondant aux standards d’évaluation en vigueur.
Il n’existe pas actuellement de recommandations spécifiques européennes sur le développement des bactériophages en termes de production, ni en termes d’exigences de démonstration non clinique et clinique. En effet la réglementation actuelle relative aux médicaments n’est pas totalement adaptée au développement industriel de phages compte tenu de leurs spécificités (cocktails de phages « prêts-à-porter », approches « personnalisées»). A ce jour il ne peut donc pas être fait référence à des guidelines spécifiques « phages ». Cependant des directives et textes existants peuvent être pris en compte.

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Il a été rappelé en séance que l’Agence européenne du médicament (EMA) a organisé une réunion sur les bactériophages le 8 juin 2015 (« Workshop on the therapeutic use of bacteriophages »)2, ce colloque ayant eu pour objectif d’échanger sur les problématiques liées aux développements des traitements par phages.

Les discussions du CSST ont conduit à évaluer l’intérêt de l’apport de données pharmaceutiques, non cliniques et cliniques.

1) Qualité pharmaceutique

La qualité pharmaceutique des phages doit être établie avant une mise à disposition précoce de ces médicaments. La connaissance des caractéristiques des phages, du procédé de fabrication et des contrôles réalisés sur les lots fabriqués est indispensable pour garantir un niveau d’activité biologique et une pureté suffisants pour l’administration chez l’homme. Même si des guidelines spécifiques n’existent pas à ce jour, les lignes directrices portant sur la qualité pharmaceutique des médicaments biologiques peuvent être appliquées par analogie. De plus, les prérequis spécifiques aux voies d’administration envisagées doivent être appliqués, notamment en termes de qualité microbiologique, de présence de pyrogènes et de particules.

2) Données non cliniques

Les échanges ont permis de rendre compte de l’intérêt à disposer de données à partir de modèles animaux d’infection expérimentale.

Si des données existent sur certains modèles animaux menés avec des phages, cette documentation est liée notamment à la pertinence du choix du modèle animal, au couple « bactéries-phages », à la dose et au rythme d’administration des phages compte tenu de la concentration bactérienne utilisée.
Si des limites peuvent être listées, les avantages des modèles animaux ont été discutés.

Les modèles animaux d’infection expérimentale peuvent contribuer à la documentation de l’efficacité des phages. Ils peuvent permettre de vérifier que les phages sont actifs in vivo sur un panel de souches bactériennes représentatives sur lesquelles une activité in vitro est observée. Ils peuvent chercher à analyser si les phages sont efficaces sur un ou plusieurs modèles d’infections mimant les situations cliniques. Ils peuvent permettre de sous-tendre un schéma posologique en clinique.

Il a été jugé important d’insister sur le choix des phages pour une telle expérimentation, ceux-ci devant être fabriqués avec les exigences requises en termes de qualité pharmaceutique et qui sont compatibles avec un usage humain, pour que les résultats soient exploitables en thérapeutique.
Des pistes de réflexions ont été évoquées en séance pour optimiser la méthodologie de la documentation de l’efficacité de phages à partir des modèles animaux expérimentaux.

Aussi l’évaluation de la phagothérapie peut s’appuyer sur des éléments prédictifs (efficacité, résistance) que peuvent fournir les modèles animaux expérimentaux.

L’ANSM a rappelé qu’elle a envisagé dans son programme d’études hors appel à projets 2016, la publication du sujet «Documentation de l’activité de bactériophages par une étude menée sur un modèle animal d’infection expérimentale », afin de financer des équipes de recherche sur cette thématique. L’objectif est de pouvoir disposer de données issues de modèles animaux sur différents types de bactériophages, ce qui permettrait de contribuer à élaborer une position sur un accès clinique compassionnel. Le rationnel du choix du modèle animal devra être étayé en fonction de la cible bactérienne et du type d’infections à traiter au plan clinique, et devrait permettre d’étayer un schéma posologique en clinique afin de présager d’un bénéfice clinique.

3) Données cliniques

L’intérêt de disposer d’essais cliniques sur la phagothérapie de qualité méthodologique satisfaisante permettant de documenter l’efficacité et la sécurité d’emploi de phages, a été souligné.
Les discussions ont abordé la faisabilité de mener de tels essais en listant un certain nombre de difficultés. Des questions qui se sont posées lors de la conception d’essais cliniques avec des phages ont été évoquées, et un retour d’expérience sur l’essai clinique en cours « Phagoburn » a été entendu.

A côté de l’exigence des essais randomisés comparatifs, il a été cité l’intérêt de l’apport de données à partir d’un collectif de cas bien documentés.
L’intérêt de mener des études multicentriques a été souligné.

4) Au total

Les contenus respectifs de la documentation relative à la qualité, l’efficacité et la sécurité des phages doivent être approchés en tenant compte notamment des conditions de développement des phages et de leur utilisation à un niveau précoce ou non. Une exigence en termes de qualité pharmaceutique sera de toute façon nécessaire, les pré- requis d’ordres non cliniques et cliniques nécessaires à leur usage en thérapeutique pouvant être à moduler.

2 Site de l’EMA : http://www.ema.europa.eu

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VII – ELEMENTS DE CONCLUSION

La phagothérapie développée au début du 20ème siècle ré-émerge dans l’arsenal thérapeutique comme une potentielle alternative à l’antibiothérapie au regard des situations d’impasse de prise en charge compte tenu de la multi-résistance et la pénurie de nouveaux antibiotiques. Ainsi la phagothérapie est un enjeu de santé publique.

Les membres présents du CSST ont discuté des situations de besoin, des domaines et objectifs thérapeutiques à cibler, et des pré-requis pour une mise à disposition précoce des bactériophages.

Des données sur l’utilisation des phages ont été discutées, pointant des limites. Le besoin d’études répondant à des référentiels d’évaluation a été souligné. Selon le type de développement des phages et leur utilisation, les pré-requis nécessaires à leur usage en thérapeutique pourraient être à moduler, mais l’exigence d’une qualité pharmaceutique est requise dans tous les cas.

Il a été admis qu’il était essentiel de proposer dès à présent une stratégie de mise à disposition précoce des phages pour des situations compassionnelles, en impasse thérapeutique, avec un cadre d’utilisation défini :

Situations de besoin

Lors de la réunion du CSST ont été évoquées sans qu’elles soient exhaustives, des situations cliniques et de possibles impasses thérapeutiques en identifiant des types de bactéries majoritairement concernées, selon différentes aires thérapeutiques (infections cutanées chez des brûlés, infections ostéo-articulaires, infections respiratoires, infections urinaires, infections sur prothèse vasculaire).

A l’issue du débat, un consensus s’est dégagé au sein des membres présents (N= 9) du CSST sur des critères justifiant une situation de besoin, applicables à tout type d’infections pour un accès précoce aux bactériophages, à savoir :
o un pronostic vital engagé ou pronostic fonctionnel menacé,

ol’impasse thérapeutique,
oune infection mono-microbienne.

Modalités de validation et de suivi

Lors de la réunion du CSST, il a été admis au regard des données limitées à ce jour pour sous-tendre l’utilisation de phages :

o la nécessité d’un board de validation pour toute demande d’ATUn de bactériophages afin d’obtenir un avis collégial;

o la nécessité de disposer des résultats d’un phagogramme avant la décision d’une mise sous traitement. Ce board coordonné par l’ANSM sera constitué des membres pluridisciplinaires du CSST.

Ce board rendra un avis à l’ANSM en s’appuyant sur les données de la littérature, la situation de besoin spécifique du patient, les résultats du phagogramme, et sur des éléments de rationnel fournis pour les essais en cours et à venir.

Les éléments de suivi (qui restent à définir à ce jour) seront colligés dans le cadre d’ATUn protocolisées qui sera mis en place.

Type de produits mis à disposition

Aujourd’hui les seuls phages de qualité standardisée contrôlée fabriqués industriellement sont ceux de la Société Pherecydes Pharma (phages dirigés contre Escherichia coli et contre Pseudomonas), qui est promoteur de l’essai clinique en cours « Phagoburn ». Les demandes d’ATUn ne peuvent concerner que ces produits.

L’intérêt de pouvoir avoir recours à une fabrication « personnalisée » de phages s’est posé. Les discussions ont porté sur une fabrication de préparation magistrale et sur d’autres types potentiels de fabrication (en utilisant des phages produits industriellement, en utilisant des phages provenant d’un concept conciliant une fabrication industrielle avec un versant personnalisé). Des questions ont notamment été soulevées sur la compatibilité avec la réglementation nationale d’importations de phages « personnalisés » fabriqués à l’étranger et sur la faisabilité d’une telle fabrication de phages en France.

AU TOTAL

Ce premier CSST a permis de faire un état des lieux sur des situations en impasse thérapeutique, d’établir un cadre d’octroi des ATUn de bactériophages et de définir des pistes de réflexion. Il est apparu que les bactériophages actuellement disponibles ne répondent pas à l’ensemble des problématiques soulevées.

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Une prochaine réunion du CSST aurait pour objectifs de rechercher/d’analyser d’autres sources de bactériophages thérapeutiques, notamment des phages de fabrication « personnalisée », d’évaluer s’ils répondent aux pré-requis pharmaceutiques, d’apprécier les données pré-cliniques voire cliniques issues d’expérimentations effectuées avec ces dits-phages, et de s’assurer que ces phages soient ciblés pour apporter une réponse dans certaines situations d’impasse thérapeutique.

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Convocation CSST 2019 – extrait